LA RUCHE DE CHRISTOPHE HERMANS
Un premier film n’est jamais facile tant il y a des inconnues et tant le chemin est semé d’embûches. Mais lorsque l’on a le cinéma dans la peau, on est capable de soulever des montagnes et même faire des merveilles. Merveille, c’est justement l’adjectif qui colle le mieux au premier long métrage signé Christophe Hermans intitulé « La Ruche ». Thibaut Demeyer.
Adapté du roman éponyme de Arthur Loustalot, « La Ruche » sur grand écran est une claque qui nous colle au siège bien après le générique de fin. Il s’agit d’une œuvre intelligente, réfléchie, sensible dans un huis-clos où évolue trois sœurs et une mère en souffrance. Le mal dont la mère est atteinte n’est pas la pièce maîtresse de l’œuvre. Ici, elle est bipolaire mais elle aurait pu être alcoolique. « La Ruche » est dès lors une œuvre sur les difficultés d’affronter un parent défaillant et sur la loyauté entraînant les enfants dans un monde où ils sont obligés de grandir plus vite afin de protéger au mieux leur mère, le père étant parti refaire sa vie.
Au générique de ce film dur, on a le plaisir de retrouver Ludivine Sagnier dans une composition exceptionnelle, n’hésitant pas à se mettre en danger pour servir au mieux son personnage. A ses côtés, il y a Sophie Breyer, Mara Taquin et Bonnie Duvauchelle (la fille de Ludivine Sagnier et Nicolas Duvauchelle) dans une prestation tout aussi exceptionnelle qui nous fait penser que ces jeunes actrices, il ne faudra pas les perdre de vue. Ce petit monde vit donc comme dans une ruche à l’ambiance définie selon l’humeur de la mère. Toutefois, même dans les moments de colère, l’amour reste présent et c’est ce qui est le plus touchant dans cette histoire où rien ne semble vraiment pas facile. Mais avec l’amour, on arrive à tout.
C’est au Patria de Virton que Christophe Hermans est venu présenter son film en avant-première. Une occasion de lui poser quelques questions. Interview par Thibaut Demeyer.
Qu’est-ce qui vous a plu dans le roman « La Ruche » d’Arthur Loustalot pour vous donner envie de l’adapter à l’écran ?
Avant le roman, il y avait surtout l’envie de raconter l’histoire que j’ai traversée avec ma mère. Comment, en tant qu’enfant, on porte le fruit des parents ? Puis est arrivé mon incapacité d’écrire cette histoire parce que je n’avais pas le recul nécessaire pour y arriver. J’ai alors un peu abandonné le projet. Puis est arrivé le roman d’Arthur Loustalot.
C’est-à-dire que la dédicace à la fin du film, c’est pour votre maman ?
Oui. C’est-à-dire qu’au cinéma, on a la chance que, quand on dit « coupez », ceux qui jouent les morts reviennent à la vie. Dans la vie, cela ne se passe pas comme ça et j’ai dû, pendant la préparation du film, enterrer ma mère.
Votre film n’est pas un film sur la bipolarité mais bien sur les difficultés à vivre avec un parent défaillant
Oui, c’est aussi un film sur la loyauté avec ces trois filles qui portent leur mère et sont prêtes à tout pour la protéger de l’extérieur.
Principalement Marion….
Oui principalement Marion mais Claire aussi, qui suit sa sœur, elle lui fait confiance. Mais Claire a aussi un conflit de loyauté vis-à-vis de sa mère. Chacune défend sa mère souffrante à sa manière.
J’ai comme l’impression que dans les scènes de l’appartement, la lumière a subi un traitement particulier qui ne semble pas être de la lumière artificielle. Est-ce exact ou s’agit-il d’une illusion optique de ma part ?
Non, il ne s’agit pas d’une erreur optique de votre part. On a construit les décors de cet appartement dans un appartement déjà existant. Le chef opérateur a travaillé avec un plafonnier, c’est-à-dire qu’il a étalé des toiles un peu partout sur le décor qui permettait par moment, en fonction du soleil, de tourner dans certaines pièces et pas dans d’autres. C’est ce qui m’a permis d’avoir beaucoup de liberté et de filmer à 360° sans aucun souci. On tournait donc en fonction du soleil, sans lumière artificielle mais il y avait tout un travail du chef opérateur avec le peintre, le chef déco avec les lumières d’appoint pour pouvoir construire cette lumière.
A quel moment Ludivine Sagnier est-elle arrivée sur le projet ?
Pas tout de suite. J’ai d’abord choisi les filles pour ensuite trouver la maman. Les filles devaient donc trouver leur mère. Il y a eu des propositions de comédiennes puis est arrivée Ludivine, qui est une actrice solaire entre l’enfance et l’âge adulte connue pour des comédies. Il y a donc eu pour moi l’envie de la trouver pour autre chose.
Elle a donc accepté rapidement ?
Elle accepté tout de suite le rôle en se mettant dans la difficulté, c’est-à-dire dans la fabrication d’une forme de théâtralité, car quand on joue le rôle d’une personne bipolaire, il faut se mettre dans cet état d’esprit. Cela a été le grand pari du travail avec elle.
Sans compter qu’elle apparaît à l’écran sous un angle qui, physiquement, ne la met pas vraiment en valeurJe ne voulais pas d’une actrice du cinéma français avec tout le folklore que l’on connait. Je voulais qu’elle puisse être simple, le plus simple du monde possible. C’est-à-dire de pouvoir offrir un corps d’une mère qui a porté trois enfants et ne pas avoir recours aux retouches. C’est comme le maquillage. Elle a eu aussi cette capacité de perdre 7 kg pendant le tournage du film. Il y a donc un travail, pour elle, d’actrice assez important et de mise à nu d’elle-même.
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